En ce jour des Rameaux, déjà une certaine lumière de Pâques transparaît dans la procession où nous acclamons, avec nos branches vertes en main, Jésus notre roi, notre sauveur. Mais il nous faut surtout rester longuement à l’écoute, et à la contemplation de la Passion douloureuse de Jésus. Ne passons pas trop vite aux alleluias, comme si la résurrection de Jésus gommait et supprimait sa croix.
La croix de Jésus est le sommet de la Bonne Nouvelle
Il est très frappant de remarquer la place étonnante que prend la Passion dans l’ensemble de l’Évangile : c’est vraiment le sommet, vers quoi tout le reste converge. C’est la seule fois où l’évangéliste Saint Marc déploie un long récit très circonstancié et très ordonné. Et ce récit semble disproportionné avec le reste de l’Évangile : que dirait-on d’une biographie d’un personnage célèbre où le récit de sa mort prendrait le
cinquième du livre ? C’est que cette mort doit être bien importante ! Si ces pages n’avaient pas été absolument essentielles, n’aurait-on pas été tenté d’estomper les scènes scandaleuses de la croix, pour insister davantage sur la résurrection, par exemple ? Oui, la croix est un paradoxe : c’est elle qui nous révèle le véritable Christ, le Christ crucifié. Et même, il faut aller plus loin, et dire, avec un titre célèbre de livre de théologie : la croix nous révèle le vrai Dieu, « le Dieu crucifié ». La mort de Jésus, aussi
ignominieuse qu’elle soit, n’est donc pas une défaite, presque aussitôt effacée par une victoire. C’est la croix elle-même qui est glorieuse ! Et nous avons à découvrir tous qu’elle ne fut pas d’abord une tragédie, à éviter si possible, mais un sacrifice fantastiquement utile. La Passion de Jésus de Nazareth « crucifié sous Ponce- Pilate », comme l’affirme glorieusement le Credo, est la plus grande révélation du vrai Dieu, la plus importante bonne nouvelle que nous ayons à recevoir dans la foi. Cette mort fut librement voulue par Jésus, parce qu’elle a une valeur positive inestimable.
La Passion de Jésus remet fondamentalement en question notre société, faussement optimiste, et qui fabrique ou foule aux pieds tant de cadavres, petits et grands. La Passion de Jésus éclaire aussi et donne
sens à nos passions de chaque jour, à nous aussi : c’est parce que tant de nos contemporains ont abandonné la méditation de la croix, qu’ils sont devenus si fragiles devant l’épreuve… Ils n’en savent plus le sens positif.
D’un mot merveilleux, Jésus a résumé le sens qu’il donnait, à l’avance, à sa Passion « ardemment désirée » (Luc 22, 15) : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,
13).
La croix de Jésus a été mise par Lui en mémoire sous forme d’un repas d’action de grâce
Les ordinateurs nous ont familiarisés avec cette idée que la mémoire est une chose essentielle. Désormais les publicités savent nous vanter tous ces objets qui contiennent une mémoire, pour être nos serviteurs.
Or, nous le savons, Jésus a désiré que sa Passion ne tombe pas dans l’oubli. La veille de sa mort, il a donc mis sur la table son sacrifice : prenant du pain et du vin, il a, pour ainsi dire, mimé sa mort du lendemain, en affirmant que « son Corps livré », et son « Sang versé », soient gardés en mémoire jusqu’à la fin des temps !
Comme il nous est bon de reconnaître cela ! La messe est une source d’amour. C’est un lieu où les chrétiens viennent faire mémoire du plus grand amour qui ait jamais traversé l’histoire humaine : l’amour de Dieu !
L’amour du seul Dieu véritable, le « Dieu crucifié » ! L’amour absolu, l’amour infini, l’amour divin, c’est-à-dire sans aucune limite, sans aucun mélange d’égoïsme.
On ne le redira jamais assez : ce qui caractérise les chrétiens n’est pas le culte de Dieu, n’est pas la croyance en Dieu, c’est le culte du « Dieu crucifié », c’est la foi au Christ. Et, depuis l’origine du christianisme, c’est à ce signe-là qu’on reconnaît et distingue les chrétiens de toutes les autres religions.
Parmi les différentes formes de culte pratiquées dans les diverses religions, toutes les Eglises se caractérisent par la Sainte Cène, la Sainte Communion, l’Eucharistie. Nous n’avons pas le droit d’être tristes à la messe : c’est la source de l’amour.
Stanislas Tamby, diacre