La Résurrection de Jésus, pivot de notre foi chrétienne

17 avril 2020

Catéchèse du pape Paul VI le 23 avril 1975

Nous ne pouvons pas, Frères et Fils bien-aimés, et nous ne devons pas, en cette période qui fait suite à Pâques, détacher notre pensée du fait, du mystère de la Résurrection du Seigneur. Il s’agit là d’un événement capital. Saint Paul l’affirme de manière catégorique : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre prédication et vaine est votre foi » (1 Co 15,14). La Résurrection de Jésus est la base, le pivot de notre religion. Il est de la plus haute importance que notre conviction à cet égard soit claire, ferme et sûre. Instinctivement, comme dans le milieu juif où ce prodige eut lieu, nous serions peu disposés à l’admettre comme historique, comme vrai, comme réel. Les Apôtres eux-mêmes accueillirent avec scepticisme la nouvelle de la Résurrection du Seigneur. Eux, qui en avaient été avertis de nombreuses fois par les paroles du Maître (Mt 16,21 Mt 17,23 Mt 20,19), eux-mêmes voulurent, comme Thomas, une preuve sensible, et celle-ci leur fut à maintes reprises donnée de manière imprévue et privilégiée (Lc 24,7 Lc 24,24 et ss. ; etc. Jn 21,7 Jn 21,12 Ac 1,3 Ac 10,41). La preuve se multiplia, fut donnée à beaucoup d’autres également (1Co 15,6) et même, après l’Ascension, personnellement, à Saint Paul (1Co 15,8). Mais Jésus voulait établir avec ses disciples un rapport différent de celui, ordinaire, de notre vie temporelle : le lien de la foi, d’une foi d’abord née de l’adhésion aux premiers témoins oculaires de la Résurrection et aux plus qualifiés de ceux-ci : les Apôtres ; une foi engendrée chez le croyant par la voie, mystérieuse celle-ci, de la grâce, c’est-à-dire de l’action de l’Esprit ; la foi est un don de Dieu.

Elle mérite une étude spéciale, cette relation que nous avons avec le Seigneur, ce lien de la foi comprise dans sa signification religieuse, authentique et surnaturelle ; aussi, joindrons-nous aux résolutions suggérées par la célébration pascale, celle de préciser dans notre esprit la doctrine de la foi, celle de la vouloir pour nous, pure et sûre, celle d’éclaircir le concept et la fonction de la foi dans le plan de notre salut, spécialement face aux controverses protestantes, modernistes et actuelles, qui malheureusement sont légion. Et l’on pourra conclure une fois de plus qu’est possible, et même facile et heureuse, la coexistence du savoir naturel, psychologique ou scientifique qu’il soit, et la connaissance au moyen de la foi.

Dans diverses et très savantes commémorations qui se font un peu partout, revient opportunément d’actualité un grand maître du siècle dernier : John Henry Newman (1801-1890) qui, grâce à de longues et très fines analyses de la pensée spéculative, morale et religieuse, passa de l’Anglicanisme au Catholicisme. On lui doit un livre, sans doute peu facile à lire, mais célèbre, et non seulement pour son époque, un livre qui, par ses nombreux mérites et sous de nombreux aspects garde toute sa valeur pour la nôtre : Grammar of Assent, 1870 (Grammaire du Consentement, ou : de l’Assentiment). Comme on le sait, Newman fut prêtre de l’Oratoire Anglais, puis Cardinal ; son nom nous rappelle celui d’un autre oratorien, italien celui-ci, mort il y a dix ans, le Père Giulio Bevilacqua, Cardinal lui aussi, et auteur d’un livre que l’on ne devrait pas oublier dans la bibliographie religieuse : La luce nelle tenebre (La lumière dans les ténèbres) un livre tourmenté et prophétique, qui ne manque certes pas d’utilité pour la discussion moderne sur notre foi.

Revenons à notre thème, celui de la Résurrection et relevons un fait qui tombe à propos, le fait, postérieur à la Résurrection, de Le connaître enfin, le Christ ; cette connaissance de la vérité au sujet du Christ, rendue consciente — pour autant que c’est possible à notre esprit informé par la révélation — grâce à la sublime et mystérieuse théologie qui le concerne : les grandes Epîtres doctrinales de Saint Paul (qui ont précédé, non par le kérygme, c’est-à-dire la première prédication sur l’annonce de la Bonne nouvelle, mais la rédaction des Evangiles), ces Epîtres donc, nous documentent à propos de la première réflexion sur Jésus-Christ, inspirée certainement par le Saint-Esprit ; une réflexion ni mythique, ni emphatique, mais conforme à la vérité vécue et qui pénètre enfin, après Sa résurrection, dans Sa réalité humano-divine. Certes la vie terrestre de Jésus avait laissé transparaître de mystérieuses et ineffables visions : dans ses paroles à Lui, ou encore dans la confession de Pierre, ou dans la Transfiguration, etc. Mais sans que les Apôtres eux-mêmes aient compris complètement le divin secret de l’incomparable expérience de leur conversation privilégiée avec Jésus. C’est après la résurrection qu’ils comprendront (cf. les discours de Pierre dans les Actes des Apôtres ; les disciples sur le chemin d’Emmaüs, etc.).

Et ceci doit renforcer sérieusement notre condition de disciples lointains des temps évangéliques : l’intelligence de la foi peut remplacer, peut dépasser la connaissance directe et sensible de la présence historique, vérifiable, du Seigneur. Les Saints nous l’enseignent. Et ainsi, par la réflexion, la prière, la méditation, avec notre amour vigilant, nous sommes, nous aussi, présents au Christ ressuscité qui, en quittant la terre, nous a promis : « Je suis avec vous » (Mt 28,28).

Avec notre Bénédiction Apostolique.