La bénédiction

26 janvier 2023

Parole et geste de bénédiction

Pour illustrer le thème de la bénédiction, c’est souvent l’image de la main qui est choisie… Pourtant, le mot même de bénédiction évoque une parole, des paroles de bien qui sont dites : bénédiction – bien dire, dire du bien.

L’association de la parole et du geste de la main se trouve dans la Bible, dans sa partie qui nous est commune avec nos frères juifs :

Je pense au psaume 144, verset 16 : Tu ouvres ta main : tu remplis tout être animé de ta bénédiction, une autre traduction dit : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

L’association de la parole et du geste de la main se trouve aussi dans le Nouveau Testament : je pense à ce passage, après la Résurrection de Jésus, au jour de son Ascension où est décrit son dernier geste visible, au moment même où il quitte ses disciples. Après leur avoir promis la force de l’Esprit Saint venue d’en haut,

Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit. Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. Luc 24, 51 - 53

La bénédiction, une parole – don

La bénédiction est un don qui touche au mystère de la vie ; c’est un don exprimé par la parole. La bénédiction est parole autant que don ; elle est diction, l’acte de dire, autant que le bien qui est dit et communiqué.
Ce don n’est pas d’ordre matériel ; ce n’est pas un objet, quelque chose qui serait de l’ordre de l’avoir, mais bien une parole qui rejoint l’être, la personne même à qui elle est adressée.

Bénédiction – malédiction – médisance

Nous pouvons opposer la bénédiction à la malédiction. Mais qui ici voudrait maudire, souhaiter ou vouloir du mal à quelqu’un ?
Nous pouvons tout de même nous interroger sur la mé-disance et sur sa place dans nos paroles quotidiennes… le préfixe a un sens privatif ou péjoratif ; il indique l’insuffisance ou la médiocrité de nos paroles qui traduisent souvent le jugement que nous portons sur les autres.

Sommes-nous aussi doués pour la bénédiction que pour la médisance ?

La Bénédiction, trait d’union entre Dieu et l’homme

Notre foi biblique nous apprend que la bénédiction relève plus de la création de Dieu que de l’action de l’homme. Pour autant, face à la générosité de Dieu qui se donne, il y a l’émerveillement de l’homme et sa gratitude.
Nous pouvons regarder la bénédiction comme un trait d’union entre Dieu et nous. Pour mieux le faire, posons-nous une unique et triple question :

Qui bénit qui ? Qui dit du bien de qui ? Qui dit du bien à qui ?

C’est Dieu qui bénit le premier

Dieu, en premier, dont la bénédiction fait jaillir la vie, Dieu qui crée les choses bonnes et le voit : « Dieu vit que cela était bon. »
Dieu qui bénit les animaux (Gen 1, 22) avant même de bénir l’homme et la femme qu’il a créés à son image et selon sa ressemblance (Gen 1, 26 et 28), Dieu qui bénit l’homme et la femme en leur disant : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. »

Ainsi Dieu ouvre sa main et remplit tout être animé de sa bénédiction.

Le don créateur et vivifiant est proféré, dit avant qu’il ne se produise. Ce don est d’ailleurs communiqué parce qu’il est dit. Et nous nous arrêtons parfois à cette seule parole de Dieu toute puissante : « Dieu dit et cela fut fait. » C’est fait, c’est comme cela. Souligner que cette parole puissante et redoutable est aussi une bénédiction nous aide à l’accueillir comme la bienveillance de Dieu, sa bonté, sa tendresse, sa miséricorde à notre égard… sans rien enlever à sa justice.

La réponse de l’homme

Lorsque l’homme le découvre et l’accueille, il va le reconnaître. Il va même se mettre à chanter intérieurement, à savourer, ce don dans l’action de grâces. Il va alors se mettre à bénir Dieu :
Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Revêtu de magnificence, tu as pour manteau la lumière ! Psaume 103, 1-2

Et l’apôtre Paul, au premier siècle de l’ère chrétienne, s’écriera :
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Ephésiens 1, 3

Que l’homme bénisse Dieu n’ajoute rien à son être et à sa gloire. C’est un cri de reconnaissance, une confession personnelle et même publique de la puissance de Dieu et une action de grâce pour sa générosité.

La bénédiction dans nos relations

Allons plus loin : la bénédiction de Dieu vers l’homme et la réponse de l’homme vers Dieu vont trouver un prolongement :

Dans le sens descendant, à l’image et selon la ressemblance de Dieu, les parents bénissent leurs enfants.

De manière plus horizontale, l’homme ou la femme qui entrevoit chez son frère ou sa sœur en humanité un don particulier de Dieu va le lui dire en disant tout d’abord : « il est bon que tu existes ! » et puis, à cause de ceci ou de cela, tu es béni entre les hommes, entre les femmes, entre les nations…
Je ne donnerai qu’un seul exemple :
Marie, tu es bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de ton sein est béni. Luc 2

« Dieu m’a donné de repérer en toi tel ou tel talent, tel ou tel don, je te le dis avec bienveillance et avec reconnaissance ! Je t’encourage ! Je te bénis ! »

Cette forme de bénédiction prend tout son sens quand un frère invite son frère à se tourner ensemble vers Dieu. Avec le psaume, je vous dis à tous ce soir : Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons tous ensemble son nom. Ps 33, 4 Ensemble, bénissons Dieu notre Créateur !

Cela ne gomme pas – me semble-t-il – les différences de nos religions… mais c’est la reconnaissance commune de notre dépendance vis-à-vis de Dieu notre Créateur et l’expression de notre gratitude.

La bénédiction dans le rituel catholique

Pour nous nous catholiques, la bénédiction fait donc partie de notre quotidien. Nous avons même un livre rituel des bénédictions.

La bénédiction marque aussi très fortement notre prière communautaire, tout spécialement dans la célébration de l’eucharistie. J’évoque ici trois moments particuliers dans la vie de Jésus :

- avant de multiplier les pains pour que la foule soit nourrie et rassasiée,

- avant de donner en nourriture, la veille de sa Mort, le pain devenu son corps,

- avant de rompre le pain avec les disciples d’Emmaüs au soir de sa Résurrection,

avant ces trois moments, Jésus a prononcé une bénédiction. Il a repris les bénédictions rituelles familières aux juifs et leur a donné un prolongement et un sens nouveau.
Jésus associe d’ailleurs la bénédiction venant d’en haut à l’action de grâce qui monte de la terre. Nous conservons précieusement ses gestes et ses paroles et nous les reprenons avec émerveillement :
nous y trouvons en effet, le don parfait du Père à ses enfants et toute sa grâce ;
nous y trouvons aussi le don parfait du Fils offrant sa vie au Père avec toute notre action de grâce unie à la sienne. Ce double don fait le trait d’union entre Dieu et nous ; ce double don est source de fécondité spirituelle, mystère de vie et de communion.

Conclusion et ouverture

J’ai commencé en rappelant que le dernier geste visible de Jésus est la bénédiction qu’il laisse à la communauté de ceux qui croient en Dieu et en Lui. J’ai essayé de montrer que Jésus suscite en nous la bénédiction. Je conclurai par un simple rappel et une ouverture : dans notre foi chrétienne, nous accueillons aussi l’Esprit Saint, appelé aussi le Don de Dieu et, de manière imagée, le doigt de la main (droite) puissante de Dieu. C’est Lui, l’Esprit Saint qui au sens plein du mot est la bénédiction de Dieu.

Oui, que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse ! Psaume 66