Une vigne, des vignerons

6 octobre 2020

Homélie pour la journée paroissiale de la Création

Une vigne...
Des vignerons...

Nous sommes habitués à lire cette histoire au sens figuré, au sens spirituel… comme nous l’avons chanté dans l’antienne du psaume : la vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël.

Je vous propose de prendre aujourd’hui cette histoire au sens littéral :

  • la vigne est notre environnement, la Création au milieu de laquelle nous nous mouvons
  • et les vignerons à qui cette vigne est louée, c’est nous, aujourd’hui, en ce 4 octobre 2020.

Dans l’évangile, le propriétaire du domaine – au moment où arrive le temps des fruits – demande qu’on lui remette le produit de la vigne. Les serviteurs qui sont envoyés sont maltraités, tués et jusqu’au fils que les locataires ne respectent pas et qu’ils tuent.

Aujourd’hui, il faut bien le constater, les vignerons que nous sommes avons défiguré la vigne : elle est polluée par toutes sortes de déchets. Nous ne nous contentons pas de maltraiter les envoyés de Dieu que sont nos frères et sœurs en humanité, ceux que nous maltraitons d’autant plus facilement qu’ils sont faibles et vulnérables. Notre société a évacué Dieu de son périmètre… L’homme a décidé d’être sa propre mesure et sa propre norme… et se retrouve dans le désert de la solitude.

Déjà en 2005, le pape Benoit XVI nous avait fait remarquer que « les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands » citation dans Laudato Si n°217

Eblouis par le mirage d’une consommation facile, aidés par la technique et par le crédit à la consommation, nous sommes enclins à trouver plaisir et compensation dans l’acquisition et le gaspillage des biens matériels tout autant que dans la multiplication des loisirs. Après l’époque de l’homo erectus, après celle de l’homo sapiens … nous sommes à l’époque de l’homo festivus, l’homme festif qui trime aveuglément toute la journée et se console chaque soir devant les images des écrans pour y regarder tout ce qu’il n’a pas pu et su contempler pendant la journée, l’homme festif qui travaille comme une brute dans un bureau climatisé ou une usine bruyante toute la semaine avant de se lâcher le Week-End ou lors de ses vacances.
Est-ce que cela nous donne une joie durable, une joie communicative, une joie constructive une joie qu’on peut transmettre parce qu’on en garde mémoire ?

Saint Jean-Paul II affirmait : « Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme, qui doit en faire usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté » (Enc. Centesimus annus, n. 38). Tout est donc lié. Ce sont la même indifférence, le même égoïsme, la même cupidité, le même orgueil, la même prétention à se croire le maître et le despote du monde, qui portent les hommes : d’un côté à détruire les espèces et piller les ressources naturelles, et, d’un autre côté, à exploiter la misère, abuser du travail des femmes et des enfants, renverser les lois de la cellule familiale, ne plus respecter le droit à la vie humaine depuis sa conception jusqu’à son achèvement naturel. (Discours du pape François le 3 septembre 2020)

Aujourd’hui, le Seigneur Jésus vient à notre rencontre pour nous redire et rappeler à notre mémoire le chant du bien aimé qui parle à sa vigne (Isaïe 5, 1 -7). En retour pour le don que Dieu nous fait à travers toute la Création, il attend une autre réponse que notre ingratitude (cf. Jérémie 2, 20) : O mon peuple, que t’ai-je fait, réponds-moi ?

Est-ce que le monde est pour nous un mystère joyeux que nous contemplons dans la joie et dans la louange ? Cf. Laudato Si 12

De l’été dernier, je garde précieusement en mémoire les deux fois où, avec les scouts, à la fin de la veillée, nous nous sommes couchés sur le dos pour contempler le ciel étoilé… bien visible dans les montagnes, loin de la pollution lumineuse des villes…
tout comme lors de ma visite au Burkina Faso en décembre 2013 : le peu d’éclairage nocturne combiné à la saison sèche m’avaient permis de voir la voute céleste comme on ne la voit plus chez nous. De plus, une semaine au Burkina Faso m’a convaincu du fait qu’en Afrique on a un ciel sur la tête et non pas le couvercle que nous, occidentaux, préférons nous mettre sur la tête pour nier Dieu et sa transcendance. En Afrique, l’homme reste tourné vers Dieu et respectueux des rythmes de la nature. Je garde précieusement en mémoire l’image du jardin potager (clos pour éviter l’intrusion des animaux attirés par l’odeur de la verdure). Les légumes poussent grâce à l’arrosage fait à la main : chaque seau est remonté à la force des bras d’un puits d’une quinzaine de mètres de profondeur ! Le puits est au centre du jardin… il est aussi une image de la présence de Dieu, caché à nos yeux, mais bien présent comme source de vie pour autant qu’Il ait la place centrale !

« Laudato si’, mi’ Signore », - « Loué sois-tu, mon Seigneur », chantait saint François d’Assise. Dans ce beau cantique, il nous rappelait que notre maison commune est aussi comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe ». Laudato Si 1

Savons-nous nous émerveiller ? Cette journée, la réflexion et les jeux que nous aurons cet après-midi ont pour but de nous aider à retrouver ce sens de l’émerveillement, émerveillement que nous avons pu connaître pendant le confinement quand nous avons plus entendu le chant des oiseaux que le bruit des voitures ou des sirènes des véhicules de secours !

En retrouvant le sens de l’émerveillement et de la gratitude pour ce que Dieu nous a donné, nous pourrons ainsi proposer une écologie qui, dans ses différentes dimensions, incorpore la place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations avec la réalité qui l’entoure. Cf. Laudato Si n°15

L’écologie, c’est la réflexion sur la maison commune et donc l’environnement et ceux qui l’habitent.

L’écologie, c’est le rappel que l’existence humaine repose sur trois relations fondamentales intimement liées : la relation avec Dieu, avec le prochain, et avec la terre. Selon la Bible, les trois relations vitales ont été rompues, non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de nous. Cette rupture est le péché. L’harmonie entre le Créateur, l’humanité et l’ensemble de la création a été détruite par le fait d’avoir prétendu prendre la place de Dieu, en refusant de nous reconnaître comme des créatures limitées. Ce fait a dénaturé aussi la mission de « soumettre » la terre (cf. Gn 1, 28), de « la cultiver et la garder » (Gn 2, 15). Comme résultat, la relation, harmonieuse à l’origine entre l’être humain et la nature, est devenue conflictuelle (cf. Gn 3, 17-19). Pour cette raison, il est significatif que l’harmonie que vivait saint François d’Assise avec toutes les créatures ait été interprétée comme une guérison de cette rupture. Laudato Si n°66

Alors que nos sociétés cherchent à se tourner vers l’homme augmenté, certains estiment que l’intelligence artificielle pourra tout faire. Les robots du futur pourront peut-être tout faire, tout ce que fait une personne, sauf la tendresse. « Et la tendresse, c’est comme l’espérance. Comme le dit Péguy, ce sont des vertus humbles. Ce sont des vertus qui caressent, qui ne prétendent pas… Et je crois – je voudrais le souligner – que dans notre conversion écologique, nous devons travailler sur cette écologie humaine ; travailler sur notre tendresse et notre capacité de caresser… Toi, avec tes enfants… La capacité de caresser, qui fait partie du bien vivre en harmonie. »

Frères et sœurs, ne craignons pas d’approfondir l’enseignement du pape François dans son encyclique Laudato Si. En effet, l’écologie intégrale est un vrai chemin de vie chrétienne et de sainteté.

Père Michel BERGER

Cantique de Saint François

Loué sois-tu, mon Seigneur, 
avec toutes tes créatures, 
spécialement messire frère Soleil, 
par qui tu nous donnes le jour, 
la lumière : 
il est beau, rayonnant 
d’une grande splendeur, 
et de toi, le Très-Haut, 
il nous offre le symbole.
 
Loué sois-tu, mon Seigneur, 
pour sœur Lune et les étoiles : 
dans le ciel tu les as formées, 
claires, précieuses et belles.
 
Loué sois-tu, mon Seigneur, 
pour frère Vent, 
et pour l’air et pour les nuages, 
pour l’azur calme et tous les temps : 
grâce à eux tu maintiens en vie 
toutes les créatures.
 
Loué sois-tu, mon Seigneur, 
pour sœur Eau 
qui est très utile et très humble 
précieuse et chaste.
 
Loué sois-tu, mon Seigneur, 
pour frère Feu 
par qui tu éclaires la nuit : 
il est beau et joyeux, 
indomptable et fort.
 
Loué sois-tu, mon Seigneur, 
pour sœur notre mère la Terre, 
qui nous porte et nous nourrit, 
qui produit la diversité des fruits, 
avec les fleurs diaprées et les herbes.
 
Loué sois-tu, mon Seigneur, 
pour ceux qui pardonnent 
par amour pour toi ; 
qui supportent épreuves et maladies : 
Heureux s’ils conservent la paix, 
car par toi, le Très-Haut, 
ils seront couronnés.
 
Loué sois-tu, mon Seigneur, 
pour notre sœur la Mort corporelle, 
à qui nul homme vivant ne peut échapper.