Prophètes par le chant !

3 juillet 2021

Ezéchiel (VIᵉ siècle av. J.-C) et Jésus nous sont présentés ce dimanche comme prophètes. Un prophète est un ‘porteur de parole’ ou bien un ‘interprète de la Parole’ que Dieu veut donner à comprendre. En langage contemporain, un prophète est un ’lanceur d’alerte’... Nous attendons donc des prophètes qu’ils annoncent, au moment critique d’une communauté ou même d’une société

  • - une parole forte, coupante, incisive, éclairante, vraie et pleine de sens…
  • - une parole annonçant les intentions de Dieu pour demain,
  • - une parole qui permettra peut-être aux hommes de s’en tirer à bon compte : en sachant par avance, il est plus facile de choisir le bon parti ou d’imaginer comment esquiver un châtiment annoncé... !

Mais il y a les vrais et les faux prophètes. Dans la Bible, au fil des siècles de l’Ancien Testament, les vrais prophètes ont plutôt été méprisés et même persécutés, tels Jérémie ou Amos... Il en va de même pour Jésus !

Quant aux faux prophètes, ils annoncent des choses attrayantes mais ce sont des fausses nouvelles ! En d’autres termes, tout lanceur d’alerte n’est pas prophète ! La Sainte Écriture ne nous a pas transmis leurs messages et aucun faux prophète n’a donné son nom à un livre de la Bible !

Si Jésus avait annoncé le départ des Romains et la restauration de la souveraineté de son peuple à court ou moyen terme, il aurait été mieux écouté ! Si Jésus avait promis des places de ministres aux habitants de Nazareth, son village, il aurait été suivi ! Mais Jésus n’a pas annoncé d’autre royaume que le Royaume des cieux : un royaume qui n’est pas de ce monde. (cf. Jn 18, 36)

Et nous, comment pouvons-nous être prophètes ? et, de préférence, de vrais prophètes ! Pour laisser Dieu agir en nous, il ne suffit pas de regarder vers le futur et annoncer que quelque chose va se passer ! Il faut d’abord s’appuyer sur la mémoire de l’action de Dieu : « comme au jour de... » tel évènement passé. Comme il en fut aux jours de Noé (Mt 24, 37), comme aux jours de Lot (Lc 17, 29 -30), ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme.

Tel est le sens de la messe des Chorégies. Il s’agit de plonger notre regard et d’ajuster notre oreille à la vérité des choses, celles qui ne changent pas au gré des modes ou au fil des annonces médiatiques ou selon la pression du marketing. Écouter les vérités éternelles pour les annoncer à nos contemporains : le Dieu vivant de toute éternité, aimant aujourd’hui les hommes et les femmes que nous sommes vient nous sauver et nous combler.

La mission des chrétiens est d’être – pour chaque génération – les prophètes de ce Dieu d’amour en annonçant, avec des mots parfois difficiles à trouver et à dire à nos contemporains, la Joie de l’Évangile. Si tous les chrétiens chantaient la gloire de Dieu et la beauté de la vie, nous serions pleinement et vraiment prophètes !

Les chanteurs, qu’ils soient choristes ou solistes n’annoncent pas une parole ; ils la chantent ! Ainsi, cette parole se dresse-t-elle dans la puissance de leur souffle pour que le Souffle de Dieu, l’Esprit Saint puisse se faire connaître et agir avec puissance. Le chant apporte un plus à la parole et c’est bien plus que la combinaison d’un texte et d’une mélodie, avec – parfois – la polyphonie ! Le chant apporte à la parole un souffle nouveau, une profondeur et avec eux un message nouveau, spécifique, prophétique ! Au cours de la messe des Chorégies, nous ‘faisons mémoire’... comme aux jours de Vivaldi (1741), de Durante (1755), de Schubert (1828), de Fauré (1924) … pour annoncer les mêmes vérités éternelles qu’ils ont chantées. En ces temps-là, les hommes vivaient dans l’espérance ! Et nous aussi ! Est-ce seulement un futur, un lendemain meilleur que nous attendons ? Bien plus !

En effet, si la Parole de Dieu dit l’avenir et ce que Dieu va faire, c’est parce qu’Il l’a déjà fait. Il le fera parce qu’il l’a déjà fait. Demain est un a-venir parce que Dieu vient et s’offre à notre rencontre. L’accueillerons-nous ?

 

Le Christ a-t-il chanté ? Il est dit que, le jeudi saint, après avoir chanté les psaumes (Mt 26, 37), il se rendit avec ses disciples au Jardin des Oliviers. J’aime à contempler Jésus s’avancer librement vers sa Passion, sachant qu’il sera rejeté et mis à mort et chantant de cœur et d’âme – et à pleine et belle voix – le psaume 39 :

D’un grand espoir j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi pour entendre mon cri.

Il m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue ; il m’a fait reprendre pied sur le roc, il a raffermi mes pas.

Dans ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu.

Beaucoup d’hommes verront, ils craindront, ils auront foi dans le Seigneur. 

Père Michel Berger, curé