Quand les santons s’animent…

18 décembre 2020

Liés aux pastorales (ces pièces de théâtre jouées durant les fêtes de Noël et jusqu’au 2 février), les santons de nos crèches incarnent des personnages du quotidien provençal du XIXe siècle... Qu’ils soient faits d’argile peinte ou habillée, ce quotidien est presque devenu intemporel. Il s’est fixé dans une tradition qui consiste à les inviter – à la Noël – chez nous, dans nos églises ou dans nos maisons. Dans certains villages, les visages des santons ont été fait à la ressemblance de certains habitants : leurs traits de caractère - et parfois leurs faits et gestes - sont dépeints dans les pastorales, qu’elles datent du XIXe siècle (Pastorale Maurel, 1844 ; Pastorale du frère Achille, 1884 ; Pastorale Barthoumieu, fin XIXe) ou bien du XXe siècle dont une des plus récentes est la Pastorale des Santons de Provence (1960).

Si la tradition s’est fixée, il convient néanmoins de s’interroger sur la manière dont elle est aujourd’hui vivante !

En effet, aux côtés des personnages et des animaux évoqués dans la Bible (Joseph, Marie son épouse dont nous venons adorer le divin enfant, les anges et les bergers (Luc 2) puis les Rois Mages (Matthieu 2), le bœuf et l’âne (Isaïe 1, 3) ainsi que les moutons), nous retrouvons tout le microcosme social d’un village au XIXe siècle. Il est peut-être plus facile de se projeter dans la crèche quand on habite Caderousse ! Mais puisque deux époques se côtoient et se confondent presque, nous pouvons chercher, même dans notre bonne ville d’Orange, comment nous retrouver dans les personnes de

  • l’aveugle et son fils qui évoquent ces personnes âgées, seules ou infirmes, auprès de qui le fils ou la fille se dévouent sans compter…
  • le boumian et la boumiane, ‘ces inconnus qui ne sont pas de chez nous’ mais qui nous rejoignent jusqu’à la messe, parce qu’ils croient avec tous les chrétiens que Jésus est la Résurrection et la Vie. Si ces ‘voleurs de poules’ ne nous inspirent pas confiance, sachons qu’ils font confiance en Dieu et que Dieu leur fait confiance… comme à nous…
  • Vincent et Mireille, ces jeunes qui sèchent les cours et passent la journée à ‘se caler’, blottis l’un contre l’autre, dans les coins et recoins de la ville et jusque dans la cathédrale… ‘Se sont-ils enlevés’ ? Il semble plutôt qu’ils fuient puisqu’ils se retrouvent à passer la nuit dehors sans abri ? Qu’espèrent-ils ? Le bonheur dans l’amour ? Un instant d’insouciance ? Qui les aidera à se construire ? Qui leur donnera confiance ?
  • le ravi qui tient la place de ceux qui trouvent dans l’émerveillement les raisons de leur optimisme… ils embrassent la réalité quotidienne avec confiance parce qu’ils savent que « celui qui a Jésus a tout. »
  • Pistachié et sa femme Honorine, la poissonnière, ceux qui biaisent ou qui enjolivent, ceux qui ‘disent la vérité avec intensité’ et dont les paroles sont parfois légères et pas toujours charitables… mais au fond qui ne sont pas si méchants…
  • le maire et le curé dont les prises de position et les paroles sont encore et toujours... commentées…
  • le moine qui représente les priants et ceux qui passent de longues heures dans l’adoration eucharistique…
  • le tambourinaïre et la farandole, les bons vivants, les boute-en-train, ces personnes qui ont toujours un bon mot à dire ou une invitation à faire pour l’apéro ou pour un repas amical, qu’il soit associatif ou familial…

Faire la crèche aujourd’hui, c’est retracer l’histoire de la nativité dans notre quotidien et nous interroger sur notre place vis-à-vis de Jésus et vis-à-vis des autres santons.

En ce Noël 2020, puissent les santons s’animer et prendre les traits des paroissiens, c’est-à-dire de tous ceux qui poussent la porte de l’église et font le chemin de la crèche, que ce soit pour le découvrir ou le faire découvrir. Les santons s’animent dans la personne des sacristains, des organistes, des chantres, des servants d’autel, des capelines, des veilleurs, des personnes qui fleurissent ou qui font le ménage… les santons s’animent quand les bénévoles des associations préparent et distribuent de la nourriture à ceux qui sont dans la précarité, les santons s’animent quand les plus pauvres d’entre nous trouvent place dans notre assemblée. Les santons s’animent quand les résidents des maisons médicalisées ou même les prisonniers reçoivent une lettre d’un enfant de l’école… Les santons s’animent à travers les catéchistes et tous ceux qui annoncent le mystère de la foi. Les santons s’animent et sont dans la joie de Noël quand ils l’annoncent et la partagent avec force et générosité, quand ils invitent quelqu’un d’isolé à leur table… même si cela fait un 7e convive !

L’équipe des prêtres et diacre se joint à moi pour vous souhaiter un saint et joyeux Noël.

Père Michel BERGER