Délivre-nous du mal !

31 janvier 2024

Dans l’évangile selon Saint Marc, le premier acte public du ministère de Jésus est un exorcisme : Jésus libère de l’emprise de Satan un pauvre homme ‘tourmenté par un esprit mauvais’. On pourrait en rester à la superficie de ce récit, en le lisant seulement comme une histoire plus ou moins mythologique et préscientifique. Il est vrai que les mentalités primitives voyaient des esprits un peu partout, là où nous avons appris à voir simplement des phénomènes naturels. Pourtant, jamais comme aujourd’hui, on a autant parlé de phénomènes d’aliénation : on dit que tel système économique est possédé par l’argent ; on excuse un comportement bizarre en l’expliquant par les conditionnements qui pèsent sur un homme ou sur certaines catégories humaines ; on affirme que certains sont comme enfermés dans leurs barrières de classes ou d’idéologies sectaires.

L’exorcisme évoqué dans la première page de l’évangile selon Saint Marc ne peut pas être seulement un fait divers. C’est sa signification profonde qui importe : la bonne nouvelle est que, par Jésus-Christ, Dieu intervient pour sauver l’homme de tout son mal. C’est la demande finale du Notre Père, prière quotidienne, essentielle, selon Jésus Lui-même. Or, la Bible nous révèle que le mal de l’homme possède une triple profondeur :

  • le malheur,
  • le mal,
  • le mauvais.

 

Le malheur

Une partie du mal de l’univers vient des causes naturelles. Ici, par exemple, il est vraisemblable que le possédé de la synagogue de Capharnaüm était d’abord un pauvre malade, atteint d’une maladie mentale qui frappait les imaginations. Il se comporte comme un énergumène, ‘criant et gesticulant’ comme un anormal sans doute victime d’un déséquilibre naturel. Une grande partie du mal qui nous fait souffrir n’est, en fait, que le résultat d’accidents dans les lois naturelles. Ils ne dépendent pas de nous. La Création n’est pas Dieu ; elle est marquée par l’imperfection. La Bible répète que la Création n’est pas achevée. Le scandale que nous éprouvons quand nous accusons Dieu d’avoir fait un monde mal bâti vient d’abord de ce que nous commençons par refuser de croire à l’ensemble du plan de Dieu. « Mon royaume n’est pas de ce monde », dit Jésus. En refusant la perspective de l’achèvement, de l’au-delà de la vie éternelle, nous ressemblons à quelqu’un qui, visitant un chantier, accuserait l’architecte : « Voyez cette boue dans laquelle nous pataugeons… voyez ces ferrailles tordues qui sortent du sol… et puis écoutez ces marteaux piqueurs et ces bétonneuses qui nous cassent les oreilles. » L’architecte, bien sûr, répondrait : « attendez la fin et vous verrez la cité radieuse quand le chantier sera achevé. » C’est ce que nous répète la Bible : « un jour, il n’y aura plus ni cri, ni larme, ni douleur. » (Ap 21, 4) Nous devons tout faire pour lutter contre ce premier mal, qui vient de l’imperfection de de l’inachèvement du monde. Et c’est ce que Jésus a fait, en guérissant souvent des malades : ces guérisons sont des signes prophétiques du monde à venir… qui lui, sera achevé.

Le mal

Il y a un autre niveau du mal dont Jésus vient nous sauver. C’est lé péché. Non plus le mal que nous subissons, mais le mal que nous faisons. Chaque fois qu’une liberté humaine dit « Non » à Dieu, elle rajoute du mal à notre monde déjà marqué d’imperfections naturelles. Et Jésus nous libère de ce mal là, d’abord : « pardonne-nous nos offenses » nous a-t-il demandé de dire !

Le mauvais

Il faut aller plus loin et, avec toute l’Écriture Sainte, reconnaître que le mal dans le monde ne vient pas seulement de la responsabilité humaine ou de l’imperfection naturelle… Il y a en nous, et autour de nous, des forces obscures qui nous dépassent et que Jésus vient vaincre. Plusieurs fois, dans l’évangile selon Saint Marc, Jésus rencontre des esprits impurs. Il est bien clair que nous devons nous dégager de l’imagerie des démons cornus, griffus et grimaçants… mais comment être assez aveugle pour ne pas voir qu’il existe un esprit mauvais qui s’oppose à la sainteté de Dieu et qui tourmente l’homme en l’aliénant ? Oui, il y a un mal qui nous dépasse et nous domine et dont nous ne sommes pas tout à fait responsables : comment expliquer autrement ces orgueils véritablement démesurés, ces folies d’argent, de pouvoir ou de sexualité aberrantes, ces sauvages violence, ces tortures incroyables qui défigurent notre pauvre humanité ? Il se présente comme si l’humanité était vraiment le jouet d’un adversaire redoutable et caché. Et le cri du possédé, dans la synagogue est un aveu : « Tu es le Saint de Dieu. » Oui, Jésus vient nous sauver de tout mal, y compris de celui là, le plus sournois, le plus redoutable.

Oui, Seigneur, Dieu notre Père, délivre nous du mal.

Diacre Stanislas Tamby