« Jésus-Christ [...] s’est fait pauvre à cause de vous » (cf. 2 Co 8, 9)

10 novembre 2022

Pour donner un fondement à leur engagement de solidarité envers leurs frères dans le besoin, l’Apôtre Paul s’adresse ainsi aux premiers chrétiens de Corinthe. La Journée Mondiale des Pauvres – célébrée ce dimanche – revient cette année encore comme une saine provocation pour nous aider à réfléchir sur notre style de vie et sur les nombreuses pauvretés actuelles. Cette Journée Mondiale des Pauvres nous invite à garder le regard fixé sur Jésus qui, « de riche, s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9).

Lors de sa visite à Jérusalem, Paul avait rencontré Pierre, Jacques et Jean : ils lui avaient demandé de ne pas oublier les pauvres. La communauté de Jérusalem, en effet, se trouvait dans de graves difficultés à cause de la famine qui avait frappé le pays. Et l’Apôtre s’était immédiatement occupé d’organiser une grande collecte en faveur de ces pauvres. Les chrétiens de Corinthe se montrèrent très sensibles et disponibles. Sur les indications de Paul, chaque premier jour de la semaine, ils rassemblaient ce qu’ils avaient pu économiser et tous étaient très généreux. Mais l’engagement commença à faiblir et l’initiative proposée par l’Apôtre perdit de son élan. Paul leur écrivit avec passion pour relancer la collecte : « Allez jusqu’au bout de la réalisation : comme vous avez mis votre ardeur à prendre cette décision, ainsi vous irez jusqu’au bout, selon vos moyens » (2 Co 8, 11).

L’Apôtre ne veut pas contraindre les chrétiens en les obligeant à une œuvre de charité. Il écrit en effet : « Ce n’est pas un ordre que je donne » (2 Co 8, 8). Au contraire, il entend « vérifier l’authenticité » de leur amour dans l’attention et la sollicitude aux pauvres (cf. ibid.). Le fondement de la demande de Paul est certainement la nécessité d’une aide concrète, mais son intention va plus loin. Il invite à réaliser la collecte afin qu’elle soit signe de l’amour, comme Jésus Lui-même en a témoigné. En somme, la générosité envers les pauvres trouve sa motivation la plus forte dans le choix du Fils de Dieu qui a voulu se faire pauvre Lui-même.

L’Apôtre, en effet, ne craint pas d’affirmer que ce choix du Christ – son “dépouillement” - est une « grâce » (2 Co 8, 9). En l’accueillant, nous pouvons donner une expression concrète et cohérente à notre foi. « Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. » (Jc 1, 22-)

Face aux pauvres, on ne fait pas de rhétorique, mais on se retrousse les manches et on met la foi en pratique par une implication directe qui ne peut être déléguée à personne. Parfois, une forme de relâchement peut prendre le dessus, conduisant à des comportements incohérents, comme l’indifférence envers les pauvres alors qu’au même moment, le chrétien, par attachement excessif à l’argent, s’enlise dans le mauvais usage de ses biens. Ce sont des situations qui manifestent une foi faible et une espérance molle et myope. « Personne ne peut se sentir exempté de la préoccupation pour les pauvres » (Exhort. ap. La Joie de l’Evangile , n. 201) . Cette question n’est pas réservée aux responsables politiques. Quand elle existe, l’action publique va bien vers les pauvres, mais très rarement avec les pauvres regardés et rencontrés comme des frères. C’est là que nous pouvons nous impliquer !

Il y a un paradoxe difficile à accepter car il se heurte à la logique humaine : il y a une pauvreté qui rend riche. Rappelant la “grâce” de Jésus-Christ, Saint Paul veut confirmer ce qu’il a lui-même prêché, à savoir que la vraie richesse ne consiste pas à accumuler « de trésors sur la terre, là où les mites et les vers les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler » (Mt 6, 19), mais se trouve dans un amour mutuel qui fait porter les fardeaux les uns des autres afin que personne ne soit abandonné ou exclu : nous ne sommes pas au monde pour survivre, mais pour qu’une vie digne et heureuse soit permise à chacun. Le message de Jésus nous montre la voie et nous fait découvrir qu’il existe une pauvreté qui humilie et tue, et qu’il existe une autre pauvreté, la sienne, qui libère et rend serein.

La pauvreté qui libère se place devant nous comme un choix responsable pour s’alléger du lest et se concentrer sur l’essentiel. Rencontrer les pauvres permet de mettre fin à beaucoup de peurs inconsistantes, d’atteindre ce qui compte vraiment dans la vie et que personne ne peut nous voler : l’amour vrai et gratuit. Les pauvres, en réalité, avant d’être objet de notre aumône, sont des sujets qui nous aident à nous libérer des liens de l’inquiétude et de la superficialité.

Extraits du message du pape François pour la 6e Journée Mondiale des Pauvres