A l’école primaire, je me souviens avoir appris les notions élémentaires et nécessaires à la compréhension du monde. Ainsi m’a-t-on appris les notions de prix d’achat et de prix de vente et la marge commerciale permettant au fabricant ou au revendeur de gagner sa vie. Si ma mémoire est bonne, c’est à ce moment qu’un enfant apprend à calculer la règle de trois et les pourcentages ! C’est aussi à ce moment qu’on lui explique qu’il est légitime que le revendeur vive de son commerce par cette marge. Néanmoins, pour être juste et permettre une relation humaine, sous le regard de Dieu, cette marge doit être limitée.
En effet, le commerçant sera toujours tenté de faire ce que le prophète Amos pointe du doigt :
- augmenter les prix sans autre raison que l’accroissement de la marge ! Inflation !
- diminuer les mesures : on parle aujourd’hui de shrinkflation, anglicisme pour réduflation (néologisme !) : alors que la quantité de produit contenue dans un bien diminue, le prix du bien est stable voire augmente !
- fausser les balances pour imposer sa propre référence à l’autre sans qu’il le sache, de manière sournoise… alors que le bon sens et la justice demandent que soit toujours respectée la référence commune des poids et mesures.
Conséquence du péché originel, la tentation est donc de piéger l’autre non seulement pour tirer mon épingle du jeu mais pour me servir de lui. Le livre des Proverbes souligne que
Le Seigneur a horreur des balances truquées, le poids exact lui plaît.Que vienne l’arrogance, viendra le mépris ! La sagesse est avec les humbles.L’intégrité des honnêtes gens les guidera, la perfidie des fourbes les mènera à la ruine. (Prov 11, 1-3)
Disciples du Christ, nous cherchons à vivre toutes les facettes de notre vie sous le regard de Dieu.
Par conséquent, nous cherchons la vérité et la justice dans toutes nos relations.
Dépassons le registre économique des transactions pour nous situer sur le registre de nos relations quotidiennes avec les personnes que nous côtoyons chaque jour et tout particulièrement celles avec qui nous formons la communauté paroissiale.
Dans une discussion, dans un échange, il est normal que nous cherchions notre avantage pour un coup de main, pour un covoiturage, pour une action qui me facilitera la vie… en retour, nous répondons aux sollicitations ou bien nous proposons notre aide…
Conséquence du péché originel, la tentation est – ici aussi mais plus sournoise – de piéger l’autre... dont j’ai plus ou moins perçu les points faibles à exploiter pour me servir de lui… et le dominer. C’est l’amorce des abus !
De plus, notre nature est ainsi faite que nous portons un jugement sur les autres. C’est nécessaire pour être en mesure de prendre des décisions. Mais, ne nous arrive-t-il pas de concentrer notre jugement sur leurs défauts plus que sur leurs qualités ? Insensiblement, nous pouvons en arriver à les mépriser, à les ignorer, tout en faisant semblant de les estimer. Cette attitude est sournoise mais… à bien y regarder, si commune ! Pour vous en rendre compte, écoutez ce que vous dites des autres à un tiers… examinez vos paroles et vous y trouverez certainement de la médisance !
Frères et sœurs, dans notre communauté paroissiale, ne tirons pas sur les marges relationnelles ! Soyons justes, honnêtes et francs ! …et soyons miséricordieux. Ne croyons pas trop vite ce qu’un tiers nous dit au sujet d’un autre membre de la paroisse. Les marges de la charité fraternelle sont si vite grignotées et perdues… avant que l’infection de la discorde s’insinue et se transforme en gangrène.
Au contraire, dans nos relations, sortons de nous-mêmes et offrons à l’autre une plus grande marge, celle de la bienveillance : pour se prêter mutuellement secours et retirer de nos relations un plus grand profit spirituel, rappelons nous ce conseil de Saint Ignace de Loyola au début des Exercices spirituels : tout homme vraiment chrétien doit être plus disposé à justifier une proposition obscure du prochain qu’à la condamner.
La charité ne cherche pas son intérêt ; n’entretient pas de rancune ; ne se réjouit pas de ce qui est injuste,
mais trouve sa joie dans ce qui est vrai. 1 Corinthiens 13, 5-6
Ainsi, lorsque et tant que nous en avons l’occasion, travaillons au bien de tous,
et surtout à celui de nos proches dans la foi. Galates 6, 10.
Père Michel BERGER, curé