La grande course de Pâques

7 avril 2023

De grand matin, le lendemain du sabbat, Marie-Madeleine n’en peut plus de rester confinée à la maison. Il lui faut se lever et se rendre au tombeau. Elle a besoin d’y être pour bien réaliser ce qu’il s’est passé, après cette journée si longue et si violente du vendredi saint.

Marie Madeleine vient au tombeau pour pleurer. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau qu’elle trouve donc ouvert. Mais elle ne trouve pas Celui que son cœur aime. (Cf. Cantique des Cantiques 3, 3). Alors, elle se met à courir ! Elle court trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait. Mille questions, mille soupçons l’assaillent. Son imagination échafaude un scenario. Elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Marie Madeleine ne dit pas ce qu’elle a vu. Elle évoque simplement Celui qu’elle n’a pas encore vu ressuscité. « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. »

Dans la Bible, courir est le propre de celui qui aime : il court sur les montagnes, il bondit sur les collines, comme le Bien-aimé du Cantique des Cantiques (2, 8).

La course de Madeleine met en mouvement Pierre et Jean, les colonnes de l’Église. Ils se mettent à courir à leur tour comme cela a été si bien dépeint en 1898 par Eugène Burnand dans son tableau visible au Musée d’Orsay à Paris. Si ces deux apôtres font la course, c’est parce que Marie Madeleine, la femme que la tradition chrétienne a nommé l’apôtre des apôtres, les a (r)éveillés à ce qu’ils avaient entendu de Jésus : le troisième jour, le Fils de l’homme ressuscitera. (Mt 17, 23). Il leur faut donc aller se rendre compte par eux-mêmes.

Voilà donc, Pierre et Jean courant chacun à son rythme. Jean, le plus jeune, « courut plus vite ».
Il arrive le premier, mais n’entre pas. Il attend avec respect Pierre dont la première place dans le collège des apôtres est déjà reconnue. Le texte sacré rend alors compte de ce que Simon Pierre voit : Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. Rien n’est dit de ce qui habite le cœur de Pierre.

Quand Jean entre à son tour, il ne voit rien d’autre que ce que Pierre a vu. Mais son regard est différent. Jean comprend tout de suite, avant même les apparitions du Ressuscité. Perspicacité des yeux qui aiment ! Ils voient ce que les autres ne voient pas. Dans le peu de choses qui s’offrent à son regard – le tombeau vide, les linges, le suaire – Jean sait reconnaître les signes de la résurrection : « Il vit, et il crut ». L’Esprit saint a illuminé les yeux de son cœur et lui a donné ce regard de foi, éclairé par la sainte Écriture. Le regard contemplatif sait pénétrer, au-delà des apparences, jusqu’au mystère. Comme s’il voyait l’invisible (He 11, 27), le regard de la foi entrevoit plus qu’il ne voit. Il n’y a pas de preuves, mais seulement des signes, efficaces, fondateurs, sûrs.

N’oublions pas Marie Madeleine ! Elle retourne au tombeau et sera la première à rencontre la personne de Jésus ressuscité. Avec elle et les paroles de la séquence de Pâques (Victimae paschali laudes), reprenons l’itinéraire spirituel de cette journée lumineuse et joyeuse de la Résurrection.

« Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu en chemin ? » Sur ce chemin où « la vie et la mort se sont affrontées en un duel admirable, le Maître de la vie, qui était mort, maintenant règne, vivant. » Marie au cœur aimant proclame les signes de la victoire : « J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Ressuscité. J’ai vu les anges ses témoins, le suaire et les vêtements. » Ce sont les mêmes signes qu’a vus l’apôtre Jean, qui court et arrive le premier, parce que le disciple que Jésus aimait est aussi celui qui aime. C’est pourquoi il vit et il crut, comme Marie, qui conclut ainsi l’annonce de la Résurrection : « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. » Et maintenant toute l’Église comme chacun de nous peut chanter :

Scimus Christum surrexisse a mortuis vere : tu nobis, victor Rex, miserere !
« Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Et toi, Roi victorieux, prends-nous en pitié ! »

La miséricorde implorée par le larron sur la croix, reçue par le fils prodigue qui revient à la maison, invoquée silencieusement par la femme adultère nous a accompagnés tout au long de ce Carême. Devenue victoire et certitude la miséricorde nous accompagne toute cette semaine et jusqu’au dimanche de la Miséricorde avec ce cri de reconnaissance ! « Jésus-Christ est vraiment ressuscité ! ».

Père Michel BERGER, curé