Voie, Vérité, Vie

4 mai 2023

« Je suis la Voie et la Vérité et la Vie : nul ne vient au Père, si ce n’est par moi. » (Jn 14,6).

Ce triptyque des trois « V » entre en résonance avec notre vie tant par sa densité humaine que par sa puissance d’évocation du message évangélique en ce qu’il a de plus central.

Le premier terme de ce triptyque – la Voie – nous remet tout d’abord devant une conviction essentielle : notre vocation est de nous mettre en route en quête de la joie de vivre. Pourquoi alors me faut-il tant de travail intérieur pour accueillir cette invitation à prendre la route et à ne jamais cesser de marcher ? Le voyage n’est-il pas source de nombreuses découvertes et occasion de joyeuses rencontres ? Mais il est aussi confrontation aux multiples formes du mal. Et celles-ci constituent des obstacles très rudes qui ne manquent pas de faire naître le doute. Notre marche a-t-elle un sens ou n’est-elle qu’une sorte de fuite en avant face à notre condition d’être mortel ? Dans de tels moments, on comprend mieux que parcourir une voie n’a de sens que si elle est accompagnée d’une quête inlassable de vérité… ce que suggère le deuxième triptyque.

Faire la Vérité, telle est bien la tâche la plus essentielle de l’être humain que nous sommes. Tâche la plus noble qui soit mais aussi la plus ardue. N’exige-t-elle pas que nous soyons à la fois combatif et réceptif ? Combatif car nous devons dénoncer les illusions et rendre compte au mieux de la complexité du réel. Réceptif, car la vérité sur l’homme ne se laisse jamais conquérir de vive force mais se donne à travers une humble écoute de notre être et de celui du monde. Aussi, faire la Vérité est dérangeant. Nous devons nous tenir prêts à traverser des mornes plaines, à côtoyer des précipices, à escalader des parois vertigineuses…. voyage surprenant, toujours mouvementé mais combien passionnant. Véritable aventure qui ne peut toutefois être joyeusement vécue que si elle est source de vie.

La Vie, tel est bien le troisième terme de notre triptyque. Vouloir la vérité, c’est en réalité se rendre toujours plus vivant. Face à la désillusion, face aux mirages de la vie, face à l’impression de désert, le triptyque des trois « V » peut alors servir de repère. Il suggère que marcher sur la voie de la vérité conduit à trouver la vie même dans les déserts. On y découvrira de petits signes de sens, bien concrets, qui, reliés les uns aux autres, donneront peu à peu à penser qu’il n’est pas déraisonnable d’oser croire, espérer et aimer.

Jésus, dans son humanité, a repris ce triptyque. Il est la Voie face au mal qui fait obstacle (Mt16,23), Il est la Vérité face au mensonge (Jn 8, 44), Il est la Vie et non signe de mort (Jn 8,44). Au lieu d’être signe de mort en morcelant la communauté, Il sauve de la dispersion les enfants de Dieu (Jn 11,52 – 17, 22-23) et donne la vie en abondance (Jn 10,10). Au lieu d’être mensonge et père du mensonge, Il ne cesse de provoquer des effets de vérité (Samaritaine Jn 4,29). Au lieu d’être générateur de soupçon, Il fait naître une foi audacieuse qui permet à Pierre de s’écrier : « Seigneur, à qui irions-nous, Tu as les Paroles de Vie Eternelle ? » (Jn 6, 68). Bien plus, au lieu de prétendre retenir pour Lui seul ces paroles de vérité et de vie, Il ose affirmer : « C’est votre avantage que je m’en aille … lorsque viendra l’Esprit de Vérité, Il nous conduira à la Vérité tout entière. » (Jn 16,13)

Père Emmanuel Deluëgue