Le prêtre n’est pas prêtre pour lui, il est pour vous.

30 août 2020

22e dimanche du Temps Ordinaire – Année A
Jérémie 20, 7 – 9 ; Psaume 62 ; Rm 12, 1 – 2 ; Mt 16, 21 -27

Le prêtre n’est pas prêtre pour lui, il est pour vous.

Cher Baptiste, 

Au cours de ta formation au séminaire d’Ars, tu as certainement entendu et médité cette parole de St Jean Marie Vianney aux paroissiens de son village. Cette parole du saint Curé d’Ars résume tout le sens du mot ordination sacerdotale, cette ordination que tu as reçue des mains de notre évêque il y a deux semaines.

Te voilà ordonné prêtre, c’est-à-dire mis en ordre,
tourné vers le Seigneur tout d’abord, par ton engagement et la consécration de ta vie à son service
et tourné vers le peuple de Dieu que tu es désormais appelé à servir pour, nous le souhaitons, de très longues années.

Comme le baptême, le sacrement de l’ordre décentre celui qui le reçoit de lui-même… : Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. (2 Cor 5, 15)

Et cela est très attirant, tout comme la parole de Saint Paul que le prêtre, comme tout chrétien, peut s’appliquer : Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. (Gal 2, 20)

Lorsqu’un jeune entrevoit la beauté de cette communion avec Jésus, il peut être attiré et se sentir appelé à suivre Jésus, jusqu’à lui consacrer toute sa vie comme prêtre ; afin d’être dans le monde et pour les hommes un autre Christ.

Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. (Gal 2, 20) Ces paroles sont une promesse qu’il faut lire avec les paroles qui les précèdent : avec le Christ, je suis crucifié. (Gal 2, 19b)

Ne l’oublions pas, toute vie chrétienne est marquée par la Croix. Tel est l’enseignement que nous venons d’entendre : Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. (Mt 16, 24)

Baptiste, depuis longtemps tu as entendu cette parole et déjà, depuis ta jeunesse et ton adolescence, tu as résolu de la mettre en pratique. Je garde en mémoire l’image du jeune lycéen Baptiste, portant le T-Shirt jaune des staffs du pélé VTT et portant avec détermination la croix de bois qui sert de signal sur les esplanades ou les stades où passent les pèlerins.

À propos du portement de croix, je voudrais, Baptiste, te faire part de ce que j’ai vécu cet été à la session des couples missionnaires de la communion Priscille et Aquila. Lors d’une veillée, il était prévu que chacun vienne déposer son fardeau au pied de la croix selon la parole de Jésus : Venez à moi vous tous qui peinez et qui ployez sous le fardeau et je vous réconforterai. (Mt 11, 28)

Puis après un certain temps de prière, le couple prenait sur ses épaules la Croix de Jésus dont le montant transversal reposait effectivement sur les épaules de l’époux et de l’épouse… leur permettant de sentir que, pour eux, le chemin de la sainteté eux se vit à deux et que la joie du mystère nuptial se vit sous le même joug - dans la conjugalité. Porter ensemble les fardeaux les uns des autres, porter ensemble les espérances et les joies dans le mariage.
Les prêtres étaient – eux aussi – invités à faire cette démarche. Lorsque le premier est arrivé et s’est mis à genoux au pied de la croix, je me suis mis à prier pour qu’il puisse déposer son fardeau et trouver le repos promis par Jésus : venez à l’écart et reposez-vous un peu. (Mc 6, 31)
Puis, quand est venu le moment pour ce prêtre de prendre sur ses épaules la Croix, je me suis mis à prier pour que lui soit donné d’approfondir sa relation à Jésus, le seul et l’unique Sauveur, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes (1 Tm 2, 5) qui a foulé seul le pressoir de la Croix (Cf. Is 63, 3). Et bien souvent le prêtre, dans le mystère de sa vocation, est seul. Cela touche par exemple l’effort de sa prière personnelle, le secret de la confession… cela touche aussi la question du célibat, don de Dieu que le prêtre apprend tous les jours à accueillir et à vivre… célibat qui veut dire être heureux pour le ciel, coeli beatus, tout particulièrement lorsque l’on commence à découvrir que le prêtre est appelé à vivre lui aussi la joie du mystère nuptial dans son rapport avec Dieu tout d’abord et le peuple de Dieu.

Je priais donc pour ce prêtre, et je me préparais à vivre moi aussi cette démarche… puis en levant les yeux, j’ai vu qu’il était aidé par un des membres de la session, par ailleurs diacre permanent. Puis lorsque le prêtre suivant a pris la croix sur ses épaules, c’est un couple qui est venu l’aider et lorsque le dernier prêtre est venu faire la démarche il y avait 4 ou 5 couples qui étaient là pour aider le prêtre à porter sa croix. J’ai mieux compris ce soir-là qu’il est présomptueux pour le prêtre de vouloir porter tout le fardeau de son ministère tout seul. Il a besoin d’être entouré et aidé, et il lui faut apprendre à accueillir cette aide… quand bien même le mystère de sa vocation est unique, intime, et que ce mystère se noue au quotidien dans le vis-à-vis de la prière.

A propos de prière, le prophète Jérémie n’hésitait pas à dire sa fatigue au Seigneur et même à se plaindre (2e lecture - Jr 20, 7-9).
Tu m’as séduit Seigneur et je me suis laissé séduire. Avec le temps, face à l’indifférence de ceux à qui le prophète annonçait les messages de Dieu, face à leur refus, Jérémie se décourage… et cela arrive aussi aux prêtres comme à tous les baptisés qui veulent être disciples-missionnaires : exposé à la raillerie, tout le monde se moque de moi… La tentation peut alors être forte – comme Simon Pierre le fait en s’opposant à Jésus – d’évacuer la Croix du Christ et d’édulcorer l’Evangile pour s’accommoder d’une vie tranquille mais sans le feu brûlant qui anime le Cœur de Jésus. La conversion au long court passe par l’accueil, la méditation et la rumination de cette parole sortie de la bouche de Dieu qui rejoint notre âme, notre conscience et notre volonté que les saints et les prophètes décrivent être en leur cœur comme un feu dévorant qui nous réveille chaque matin. (Cf. Is 50, 4)

Le soir de sa première messe, maman Marguerite disais à Jean Bosco : « Te voilà prêtre, mon petit Jean désormais chaque jour tu diras à la messe. Rappelle-toi bien ceci : commencer à dire la messe, c’est commencer à souffrir. Tu ne tu ne t’en apercevras pas tout de suite mais un jour avec le temps, tu verras que ta mère avait raison. Chaque matin, j’en suis sûr, tu prieras pour moi. Je ne te demande rien d’autre. Désormais ne songe qu’au salut des âmes, et ne te préoccupe pas de moi. » Le bx Don Bosco par A. Auffray. 1929 p. 80

Les paroles de maman Marguerite sont un écho de ce que la liturgie de l’église dit à l’offertoire et nous en aurons bientôt l’authentique traduction lorsque le prêtre s’adresse aux fidèles et leur dit : priez, frères et sœurs, que mon sacrifice qui est aussi le vôtre soit agréable à Dieu le Père tout-puissant. Et le peuple de Dieu répond - ou répondra bientôt - : que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom pour notre bien et celui de toute l’Église. La mission du prêtre comme nous l’a rappelé Saint-Paul est d’exhorter ses frères à présenter leur corps, leur personne toute entière, en sacrifice vivant.

Ordonné au service du peuple,
missionné pour le nourrir par la Parole de Dieu qu’il annonce,
destiné à lui donner naissance par le bain d’eau qu’une parole accompagne,
député (cf. St Thomas, Somme Théologique III q. 63 a.2 et a. 6) pour consacrer le pain et le vin en Corps et Sang de Jésus-Christ…
ordonné au service du Peuple,
destiné à en prendre soin dans ses membres les plus fragiles,

 ceux qui sont tombés par le péché et qui dans le sacrement de pénitence et de réconciliation, trouvent un relèvement par grâce de Dieu

 ceux qui sont malades et qui par l’onction de l’huile sainte reçoivent consolation ou guérison...
ordonné au service du peuple qu’il est appelé à conduire comme un berger conduit son troupeau,
le prêtre est appelé à imiter Jésus le Bon Pasteur.

Le sacerdoce, c’est l’amour du Cœur de Jésus, disait encore le Saint Curé d’Ars.

Frères et sœurs, le prêtre s’use quand on ne s’en sert pas. N’ayez pas peur de nous demander ce à quoi et pour quoi nous sommes ordonnés : une prédication joyeuse, la disponibilité pour les confessions et l’accompagnement spirituel. Notre mission n’est pas de tout faire mais, en priorité, de vous mettre en état d’agir comme baptisés pour que toutes les tâches du ministère soient accomplies dans l’Eglise (cf. Eph 4, 12).

Merci, père Baptiste, d’avoir répondu à l’appel de Dieu et de vous être laissé saisir par sa grâce afin de pouvoir être désormais ordonné au service de toute l’Église.
Merci à vos parents de vous avoir donné la vie.
Merci à vous les paroissiens de bien vouloir continuer à prier pour vos prêtres… sans oublier de prier pour les vocations sacerdotales. Demandons au Seigneur de donner à ceux qu’Il appelle dans nos familles de lui répondre comme l’a fait le Père Baptiste par un long chemin de préparation et de formation qui l’a conduit à être prêtre aujourd’hui, au milieu de nous.

Le prêtre n’est pas prêtre pour lui, il est pour vous.

Père Michel BERGER, curé d’Orange

« En tant qu’il représente le Christ Tête, Pasteur et Époux de l’Église, le prêtre est placé non seulement dans l’Église, mais aussi face à l’Église. Le sacerdoce, en même temps que la Parole de Dieu et les signes sacramentels dont il est le serviteur, appartient aux éléments constitutifs de l’Église. Le ministère du prêtre est entièrement au service de l’Église pour promouvoir l’exercice du sacerdoce commun de tout le peuple de Dieu ; il est ordonné non seulement à l’Église particulière, mais encore à l’Église universelle (cf. Presbyterorum ordinis, n. 10), en communion avec l’évêque, avec Pierre et sous l’autorité de Pierre. Par le sacerdoce de l’évêque, le sacerdoce du second ordre est incorporé à la structure apostolique de l’Église. Ainsi le prêtre, comme les Apôtres, remplit la fonction d’ambassadeur du Christ (cf. 2 Co 5, 20). C’est là que se fonde le caractère missionnaire du sacerdoce ». St Jean Paul II, Exhortation apostolique Pastores dabo vobis n°16