Des deux oreilles

11 juillet 2025

Quand j’étais enfant, j’aimais – pendant le bain du soir – mettre mes oreilles sous l’eau ! A ce moment-là, je n’entendais plus les bruits de la salle de bain mais je percevais tous les bruits plus lointains de la maison : mon père qui revenait du travail, le mixer dans la cuisine, les pas d’un de mes frères qui dévalait l’escalier ou la mélodie que jouait ma sœur au piano.

En grandissant j’ai appris que nous avions deux oreilles : l’oreille externe et l’oreille interne !
Et quand il s’agit de chanter – et de chanter juste ! – j’ai aussi appris qu’il fallait compter sur nos deux oreilles et avoir la juste correspondance entre l’oreille interne et l’oreille externe.

Au chapitre 10 de sa lettre aux Romains, Saint Paul développe l’importance de la proclamation de la Parole de Dieu… afin qu’elle soit entendue et écoutée… pour que la foi naisse :

La foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ. Rom 10, 17

Pour autant, nous savons bien qu’il ne suffit pas que la Parole de Dieu ait frappé les oreilles extérieures d’un homme pour qu’il devienne croyant. Il faut que cette Parole ait été entendue intérieurement. C’est pourquoi, quelques versets plus haut, Saint Paul reprend les versets du Deutéronome – livre biblique de la répétition de la Révélation et de la Loi juives -

« Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. » Deut 30, 14

Et Saint Paul ajoute : Cette Parole, c’est le message de la foi que nous proclamons. Rom 10, 8

 

La foi nait donc – et se nourrit - de la double écoute de la Parole : l’écoute extérieure à travers sa proclamation ou sa lectio… et l’écoute intérieure que l’Esprit Saint permet dans le cœur de l’homme : même limitée, la compréhension qu’Il nous donne nous abreuve et nous désaltère !

Pour nous encourager à prendre le temps d’écouter la Parole avec nos deux oreilles, relisons ces paroles de Saint Ephrem (IVè s.) dans son commentaire sur l’évangile concordant (Diatesseron) :

Qui donc est capable de comprendre toute la richesse d’une seule de tes paroles, Seigneur ? Ce que nous en comprenons est bien moindre que ce que nous en laissons ; comme des gens assoiffés qui boivent à une source. Les perspectives de ta parole sont nombreuses, comme sont nombreuses les orientations de ceux qui l’étudient. Le Seigneur a coloré sa parole de multiples beautés, pour que chacun de ceux qui la scrutent puisse contempler ce qu’il aime. Et dans sa parole il a caché tous les trésors, pour que chacun de nous trouve une richesse dans ce qu’il médite.

La parole de Dieu est un arbre de vie qui, de tous côtés, te présente des fruits bénis ; elle est comme ce rocher qui s’est ouvert dans le désert pour offrir à tous les hommes une boisson spirituelle. Selon l’Apôtre, ils ont mangé un aliment spirituel, ils ont bu à une source spirituelle.

Celui qui obtient en partage une de ces richesses ne doit pas croire qu’il y a seulement, dans la parole de Dieu, ce qu’il y trouve. Il doit comprendre au contraire qu’il a été capable d’y découvrir une seule chose parmi bien d’autres. Enrichi par la parole, il ne doit pas croire que celle-ci est appauvrie ; incapable de l’épuiser, qu’il rende grâce pour sa richesse. Réjouis-toi parce que tu es rassasié, mais ne t’attriste pas de ce qui te dépasse. Celui qui a soif se réjouit de boire, mais il ne s’attriste pas de ne pouvoir épuiser la source. Que la source apaise ta soif, sans que ta soif épuise la source. Si ta soif est étanchée sans que la source soit tarie, tu pourras y boire à nouveau, chaque fois que tu auras soif. Si au contraire, en te rassasiant, tu épuisais la source, ta victoire deviendrait ton malheur.

Rends grâce pour ce que tu as reçu et ne regrette pas ce qui demeure inutilisé. Ce que tu as pris et emporté est ta part ; mais ce qui reste est aussi ton héritage. Ce que tu n’as pas pu recevoir aussitôt, à cause de ta faiblesse, tu le recevras une autre fois, si tu persévères. N’aie donc pas la mauvaise pensée de vouloir prendre d’un seul trait ce qui ne peut être pris en une seule fois ; et ne renonce pas, par négligence, à ce que tu es capable d’absorber peu à peu.

Ecoute donc la voix du Seigneur… et prête lui l’oreille de ton cœur !

P. Michel BERGER, curé