Pendant de longues semaines, nous avons été privés de l’expression normale de nos relations humaines :
le dialogue dans une rencontre en vis-à-vis précédée d’une vigoureuse poignée de mains ou de la tendresse de l’embrassement… De même, nous n’avons pas pu exprimer notre foi et notre prière commune dans l’assemblée convoquée et agrégée (mise en troupeau) par Jésus, le Bon Pasteur.
Nous voici bien ébouriffés et quelque peu sonnés…

Avec la retour de nos activités, nous sommes heureux de nous retrouver : nous sommes les mêmes et pourtant, nous nous (re)découvrons différents ! Les merveilleuses qualités de nos frères et sœurs ressortent clairement tout autant que leurs horribles limites, défauts et faiblesses… Cela amène des incompréhensions, des doutes… et peut-être des soupçons, des jugements téméraires… et jusqu’à des tensions entre nous.
De même, la reprise des célébrations publiques fait ressortir la beauté et l’intensité de l’Eucharistie et des autres sacrements… et les pauvretés d’avant le confinement que nous aurions souhaité ne jamais retrouver… sans parler du désagrément des masques, etc…

Ecoutons l’Evangile : Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Mt 10, 36

Jésus s’adresse à nous collectivement et individuellement… mais nous sommes enclins à n’accueillir sa Parole que pour ce qui nous concerne. Marqués par l’individualisme de notre temps et par ‘la promotion du bien être des corps parfaits’, nous aimerions que le Corps de l’Eglise soit exempt des imperfections qui nous déplaisent… Nous voulons des frères qui soient tous des amis et un prochain qui n’ait que des qualités !

Ai-je pris conscience que je suis membre de ce Corps, avec mes qualités, mes talents, mes charismes… et mes défauts, faiblesses et fragilités… ?

Quand Saint Paul évoque le Corps du Christ, il ne dit pas seulement, de l’extérieur, à ses auditeurs :
vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. (1 Cor 12, 27)
Il s’y inclut, conscient qu’il y a toute sa place avec la grâce qui lui a été donnée comme avec ses faiblesses qu’il présente à Dieu pour qu’Il y déploie Sa puissance :
nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, et membres les uns des autres, chacun pour sa part. (Rom 12, 5)

Contemplons le Cœur de Jésus devenu pour nous source d’eau vive jaillissant pour la vie éternelle.
D’une part, le cœur évoque la force et la fidélité…
Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes, dont l’amour est infini, ce Cœur battant de la vie et de la force que Dieu nous communique, à tous et à chacun d’entre nous, au long des jours, dans la fidélité.
D’autre part, le cœur évoque aussi la vulnérabilité, notre capacité à se découvrir et à se révéler jusque dans nos fragilités… dans la relation d’amitié ou dans la relation amoureuse. Voici ce Cœur qui après avoir tout donné par amour, a accepté de se laisser transpercer par la lance… et l’ingratitude de nos péchés…
Voici ce Cœur exposé et blessé qui attend notre réponse d’amour et l’expression de notre gratitude.
Notre réponse n’est pas seulement celle de notre âme… elle engage notre corps : la foi et la charité ne sont pas limités à l’esprit ou à l’intention… notre prière passe par le corps, par la parole, par nos soupirs comme par nos sourires.
De même, notre réponse à Jésus nous engage en tant que membres du Corps du Christ. Notre foi et notre charité se prolongent et s’expriment dans les journées de notre semaine et dans les heures de notre journée, minute après minute, lors de nos rencontres, sur notre lieu de travail ou sous le toit de notre maison, avec nos parents et nos enfants, avec nos amis comme avec nos ennemis, avec les bien portants comme avec les malades… et en priorité vers les personnes vulnérables.

Faire son possible, c’est se reconnaître nous-mêmes vulnérables et fragiles, protéger ses frères les plus faibles en nous adaptant à eux. N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel… (Rom 13, 8) et cette dette-là, personne ne peut l’éteindre ! 

Père Michel BERGER