Jésus nous manque

16 mai 2020

Jésus nous manque ? ……ou le manque est une occasion de conversion.

« D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus…. Le Père vous donnera un autre défenseur qui sera pour toujours avec vous, c’est l’Esprit de vérité ».

 Ces paroles résonnent pour nous comme pour un adieu mais également comme un « tenez bon », comme un « n’ayez pas peur ». Comme pour les disciples, les propos de Jésus ne sont peut-être pas pour nous d’une clarté absolue et encore moins rassurants en ces heures difficiles. Pourquoi un défenseur, un autre défenseur et pour nous défendre contre quoi ?

Jésus est en train de préparer ses disciples à ce qu’on appelle le « temps de l’Eglise ». Nous qui vivons ce temps particulier de l’Eglise, notre challenge est de chercher à voir Jésus à l’œuvre alors qu’on ne peut plus l’aborder dans les sacrements. Notre challenge est de percevoir sa présence alors qu’on ne peut plus se protéger derrière lui. Autrement dit, nous ne pouvons plus être seulement des suiveurs, il nous faut être des acteurs. L’Esprit de Dieu est bien avec nous, mais il ne s’impose pas, il nous faut le chercher. Il nous faut « faire Eglise ».

Pour atteindre cet objectif, la première chose qui nous manque, c’est le rassemblement qui est l’essence même de l’Eglise, le Peuple de Dieu convoqué par Dieu. Et en même temps nous expérimentons que l’humanité forme un corps. On retrouve cette dimension sociale sous la plume de Saint Paul : « il n’y a plus ni juif ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni l’homme ni la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus ».

Face au Covid-19, nous découvrons à nos dépends que nous formons un grand corps social -l’Humanité – dans lequel nous sommes tous égaux. Nous l’avions oublié sous les effets de notre individualisme inconscient. Ce qui nous arrive cache donc aussi une espérance. Au bout du manque, nous pouvons espérer redécouvrir d’une autre manière notre corps individuel et nos corps collectifs, les choses essentielles qui nous font vivre : la présence des autres, les gestes…. La sacramentaire et le rassemblement chrétien vivent de tout ce qui nous manque aujourd’hui. Une tâche pastorale serait de redécouvrir des dimensions fondamentales de notre vie humaine pour qu’elles habitent davantage nos rassemblements à venir.

Mais quelle place donner à l’Eucharistie ?

Le Concile Vatican II a rappelé que l’Eucharistie est « la source et le sommet de la vie chrétienne ». Nous allons boire à la source pour marcher dans la vie. Et il nous faut monter six jours durant la semaine pour arriver au sommet. Nous ne pouvons pas boire toute la journée ni rester toujours sur le sommet. Ce que nous révèle peut-être cette crise, c’est que, dans l’Eglise, il y a une telle concentration sur l’Eucharistie que tout le reste dont parle les Actes des Apôtres risque de disparaitre. « Les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières ».

Utilisons le temps du confinement pour nous interroger pourquoi l’Eucharistie nous manque alors que tant de personnes autour de nous se disent chrétiennes sans avoir besoin de l’Eucharistie.

Parce qu’ils font l’expérience du manque, les chrétiens inventent. Cela est heureux et porteur d’avenir. Après le confinement, comment allons-nous poursuivre cette créativité pour que nos rassemblements soient de véritables rencontres de communautés ?

Père Emmanuel Deluëgue